Les cadrans solidaires
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Sur la façade Sud à l’entrée du lycée Robert Doisneau à Vaulx-en-Velin (69), j'ai réalisé sept cadrans solaires qui se développent sur la façade, liés par la maxime. L’emprise totale est de 2,50 m de hauteur sur 19,40 m de longueur. Les cadrans sont visibles de l’extérieur au dessus du portail, et néanmoins tournés vers le coeur du lycée. Le plus grand cadran au centre est calculé en fonction des coordonnées géographiques de Vaulx-en-Velin. Il indique les dates et le temps universel.

Trois cadrans vers l’Ouest indiquent l’heure moyenne sur les fuseaux horaires d’Halifax, Chihuahua et Anchorage. Trois cadrans vers l’Est indiquent l’heure des fuseaux d’Assouan, Novosibirsk et Shanghaï. Le choix des villes a été assez subjectif, oscillant entre une certaine répartition géographique et ce qu’elles évoquent par leur nom ; les capitales ont été évitées.
La maxime qui court sur une ligne est déclinée en Grec ancien, Français, Anglais, Russe, Arabe, Chinois; elle exploite 6 alphabets et lie les 7 cadrans. Ailleurs est un ensemble complexe d’informations précises, d’amitiés, de souvenirs, de désirs.... La couleur veut prendre cette géographie subjective à sa charge.


Un huitième cadran fut pensé pour être réalisé sur Internet avec des élèves entre janvier et mai 1998. Filmé sans chiffres par une webcam, il indiquait l'heure solaire locale de divers lieux sur terre après ajout en ligne de cadres gradués. Pendant la durée de vie du site Internet Dilombre (1998 / 2002, à Lyon puis à Montbéliard) la liste des villes a été enrichie par quelques propositions d’internautes. Il aurait fallu une vocation de webmaster pour faire durer ce cadran en ligne. Je ressens d'autant plus fort la particularité des cadrans muraux qui essuient à longueur d'années le passage du soleil ou de la pluie sur leurs pigments. C'est une catégorie d'images qui est en activité même si on ne les regarde pas. En italien on les appellent 'orologi solari', en allemand 'sonnen uhren' : c'est réducteur, en les définissant par leur fonction exclusive de mesure du temps. Finalement, en français ou en anglais (sundial), l'effet métonymique de 'cadran' pour dire 'horloge' ouvre vers la notion de 'cadre' partagée par la grande famille des images. Et je préfère cette idée que l'instrument est aussi actif un jour de pluie. En cela le cadran en ligne renforçait trop la fonction de mesure. L'idée d'en faire un rendez-vous de réflexion sur le temps d'ailleurs n'a pas vraiment fonctionné.

Dans d'autres siècles le cadran solaire permettait principalement de connaître l’heure avec des chiffres, de régler les horloges de la cité, puis de coordonner celles du monde. Il conserve aujourd’hui la vertu plus abstraite de signifier du mouvement sur la planète, en induisant un regard critique (ou nostalgique) sur le déroulement cyclique du temps et l’évolution de ses mesures. Pour la famille (attachante) des spécialistes, les cadrans solaires perpétuent une sorte d'archéo-science accrochée à des espaces de la vie quotidienne, chargés de la mémoire qu'ils attestent. Confondant souvent la grande et la petite histoire, je les vois comme des fontaines murales, plus ou moins précieuses ou élaborées, parfois surprenantes, d'où s'écoulent de petits récits qui entretiennent un degré satisfaisant de mystère.
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