Recueil de Maximes
Les maximes qui nous intéressent ici sont l'une des trois composantes des cadrans solaires dans leur forme classique, avec le tracé horaire et les éléments décoratifs. Au détour d'une façade peut surgir un trait philosophique, quelquefois sentencieux, métaphysique, goguenard ...:
Quelques maximes relevées sur des cadrans anciens en donne un premier aperçu.
Quelques maximes relevées sur des cadrans anciens
Les maximes indiquent en filigrane l'ambiance culturelle d'une communauté ou d'une époque. Leur statut de proverbe s'associe à la mesure du temps et au symbolisme de l'ombre. Généralement un sujet fantomatique s'adresse à nous, nous tutoie, nous invite :

« Peut-être à l'heure que tu comptes / Faudra mourir et rendre compte » Ornon (F-Isère)1798
« O voyageur voici l'heure / Pense à ta dernière demeure » Saint-Simeon de Bressieux (F-Isère)
« Vivre n'est pas autre chose que mourir » Les Avenières, (F-Isère) 1838
« Redoute la dernière » Claix (F-Isère)
« La mort n'a point d'heure fixe » Cure d'Eybens, (F-Isère) 1812
« Toutes vous meurtrissent, la dernière vous assomme » Montmeyran près de Varage (F-Var); La Combe-Bernard, (F-Hautes-Alpes) 1860.
« Nous sommes ombre et poussière » Cure de Réaumont, 1808 (F-Isère)
« C'est l'heure de bien vivre » Apprieu, 1831 (F-Isère)
« C'est l'heure de boire » Beaucroissant, 1796 - Côte Saint-André (F-Isère)
« Autant boire ici qu'ailleurs » Auberge Saint-Didier de la Tour (F-Isère)
« Nous sommes tous égaux en droit » Cras, (F-Isère) 1793
« Ne les compte pas, mets les à profit » Saint-Hilaire de Rosier, (F-Isère) 1770
« Si le soleil fait défaut, nul ne me regarde » Colmars (Alpes-de-Haute-Provence) Chambéry et Grenoble (Isère)
« Passant qui que tu sois / Arrête-toi ici et bois » Auberge de Lans, (F-Isère) 1850
« Passant si tu veux jouir des douceurs de la vie/ Repose-toi à l'ombre de ces forêts » Sylve Bénite, (F-Isère) 1832
« Je suis la mesure du temps / Tel qu'on mesure on sera mesuré » La maison du Roi (F-Queyras - Hautes-Alpes)
« Par l'ombre la vérité » Saint-Cassien (Isère)
« Je suis la fille du soleil, ma mère est en fer, par l'aspect je ressemble à ma mère, à mon père par la mobilité » Montigny, (F-Savoie)1701
« Celui qui dort la grasse matinée doit travailler l'après dîner » La Chapelle de La Tour du Pin (F-Isère)
« Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » Chambéry, (F-Savoie) 1694
« Le soleil se lève pour tous » Cervières (F-Hautes-Alpes)
« Passe le temps, sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure » Apollinaire (le pont Mirabeau) à Tournoux (F-Alpes de Hte provence)
« Quand le style va tout va » Brignais (F-Rhône)

La liste des maximes historiques associées à des cadrans est longue.
Des recherches seraient à faire pour classer, par exemple, les messages épicuriens et cartographier les lieux plus enclins que les autres aux plaisirs de la vie...
Un message qui revient souvent dans le cadran ancien, est la réflexion sur lui-même, parfois son propre éloge. Ses liens avec le soleil sont un sujet de méditation récurent. Parfois son fonctionnement est une source d'admiration. Le cadran, miroir et usage du soleil s'étonne lui-même, son regard est narcissique.

Les créations de cadrans solaires font encore souvent appel à ces modèles de maximes, dont certaines évoquent des préoccupations sans âge : ouvrir cette page permettra d'enrichir la liste par de bons mots qui ne soient pas que des sentences attestées par la pratique historique.

 


Le Temps mesuré par une ombre stimule naturellement la référence "philosophique". Il y a plusieurs raisons d'y mettre des guillemets, mais laissons-les prudemment en suspend : la science et ses prolongements conceptuels, la philosophie et ses syllogismes poétiques, la poésie et son ancrage dans la réalité tracent, dans toutes les langues, des silhouettes de l'énigme du temps.
Sous un soleil probable, chaque bibliothèque peut en donner l'idée :

« Comprendre clairement la situation / Comprendre la situation clairement » Olivier Cadiot (l'art poétic' 1983)

« L'unité de temps-étalon dite seconde internationale, est définie depuis le 1er Janvier 1972 par la période de transition entre deux états électroniques d'un atome de césium ».
(maxime peu sexy, mais qui pourrait avoir du sens)

« Il importe peu que le temps soit mesuré par des distances, des durées ou d'autres grandeurs physiques »
Alexandre Friedmann (1888-1925)

« Les unités de temps sont aussi arbitraires que celles de l'espace et n'ont été adoptées que par la tradition et leur commodité pour la vie quotidienne. »
Alexandre Friedmann (1888-1925)

« Il est facile de montrer que Copernic dit vrai sans avoir besoin d'être sur le soleil : qui a jamais vu le four tourner autour du rôti ? »
Mikaïl Lomonossov (1711-1765).

Le cadran est généralement daté, ce qui aide à l'interprétation de la maxime. Notre époque gavée de « mémoire » invite à parfois à jouer sur une date propre à la maxime et d'induire ainsi la présence d'un temps long voire circulaire ou cyclique :

« Le temps est le nombre du mouvement »
Aristote (384-322)

« Le temps n'est pas le mouvement des corps mais une distension de l'âme »
Saint Augustin (354-430)

« Chacun est pour soi le seul point fixe dans l'univers »
Cioran, (Précis de décomposition - 1949)

« Vainement ton image arrive à ma rencontre / Et ne m'entre où je suis qui seulement la montre
Toi te tournant vers moi tu ne saurais trouver / Au mur de mon regard que ton ombre portée »
Aragon (Le fou d'Elsa), cité par Lacan dans son séminaire - livre XI :
Substituer à Elsa devenue « l'Autre » pour Lacan, un soleil simplement aveuglant, est un jeu plaisant. La deuxième strophe citée par Lacan peut d'ailleurs offrir une autre maxime pour un autre cadran ; le recours aux vers d'Aragon semble alors inépuisable au premier ou au second degré :
« Je suis ce malheureux comparable aux miroirs / Qui peuvent réfléchir mais ne peuvent pas voir »
(Il est bien pratique que plusieurs sujets puissent prendre la place du «Je» : soleil, ombre, cadran, style, propriétaire de la maison, artiste...)

Un trait d'esprit dadaïste, certaines fulgurances littéraires, un slogan situationniste, inscrits au cadran (généralement sur l'espace public) peuvent évoquer une ombre politique :

« Je veux, par principe, des droits égaux pour tous les hommes, l'idiot, le sifflement des rails et la pompe à pensées »
Kurt Schwitters (Anna Blum-1922)
« 3 ou 4 gouttes de hauteur n'ont rien à voir avec la sauvagerie » Marcel Duchamp (inscription sur un ready-made 1916).
« Une insinuation simple au silence enroulée avec ironie » Mallarmé (un coup de dés)

« Nous n'avons rien à nous que le temps, dont jouissent ceux mêmes qui n'ont point de demeure»
Baltazar Graciàn y Moralès (l'homme de cour) cité en exergue par Guy Debord :
« Le temps de la production, le temps-marchandise, est une accumulation infinie d'intervalles équivalents »
(la société du spectacle-1971)

« Que le ciel vous soit propice / je cours tu cours il court / je courais nous courions je courus / que je coure que tu coures qu'il coure » Olivier Cadiot (Futur, ancien, fugitif - 1993)

Il ne s'agit que d'une dérive impliquant le temps dans ma bibliothèque, elle-même établie comme un archétype ordinaire de l'éternité (comme dirait l'autre). Dans les tiroirs grinçants de sa perpétuelle maigreur, s'égarer donne parfois l'impression d'inventer.

Pour un espace en quête de cadran, instrument de mesure juste assez désuet pour être observé, une maxime judicieusement connotée peut aider la conception d'un instrument efficace.

Un premier choix

« Le Temps est la reproduction déchiquetée de l'Eternité » J.L.Borgès

« Il est toujours plus tard que tu ne crois » proverbe chinois


« Ce que l'on nomme néant ne se rencontre que dans le temps et le discours » Giorgio Agamben (le langage et la mort -1982)

« Dans la nuit les jours avenirs » John Cage (journal -1983)

« Passe le temps, sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure » Apollinaire

« La question de la naissance du temps et celle des origines resteront toujours posées » Ilya Prigogine (la fin des certitudes -1998)

« Une hypothèse infinie : un jour le monde va disparaître » Wittgeinstein (remarques philosophiques)

« Le possible est plus riche que le réel » Ilya Prigogine (la fin des certitudes -1998)

«Ombre encre du soleil / Ecriture de ma lumière / Caisson de regrets» Apollinaire (Ombre)

« Le temps est ce que l'on sait de lui », Pierre Janet cité par G. Bachelard

« Si le passé et le futur existent, je veux savoir où ils sont » (Si enim sunt futura et praeterita, volo scire, ubi sint)
Saint Augustin est un allié objectif du cadranier. Dans les Confessions, livre XI, les maximes abondent :
« Quod praetereuntia tempora metimur » (Nous mesurons le temps à son passage)
« Sed unde et qua et quo praeterit tempora, cum metitur ? » (Mais d’où vient, par où passe, où va le temps, quand on le mesure ?)
« Quid ergo metior ? An praetereuntia tempora, non praeterita ? » (Ce que je mesure? le passage du temps, non le temps passé)
« In te, anime meus, tempora metior" (C’est en toi, mon esprit, que je mesure le temps)
« Quid est ergo tempus ? Si nemo ex me quaerat, scio; si quaerenti explicare velim, nescio »(Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore)
« Duo ergo illa tempora, praeteritum et futurum, quomodo sunt, quando et praeteritum iam non est et futurum nondum est ? » (Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ?)
« Ecce praesens tempus, quod solum longum appellandum » (Voilà donc ce temps présent, le seul qu’on pût appeler long)
« Praesens de praeteritis memoria, praesens de praesentibus contuitus, praesens de futuris exspectatio » (Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente)
« At ego in tempora dissilui, quorum ordinem nescio... » (Et moi je suis devenu la proie des temps, dont l’ordre m’est inconnu...).


Liste ouverte de maximes potentielles :
En partant du principe qu'un cadran qui s'adresse au passant va lui délivrer un bon conseil, une pensée aigüe ou une formule magique, un vaste recueil peut s'ouvrir ici… On pourra toujours s'interroger plus tard sur la capacité de telle maxime à résister à la durée, à s'inscrire dans un cadran, à évoquer le Temps…
En attendant, essayons d'ouvrir le répertoire souvent conventionnel (dans sa forme et sa morale) pour voir si des formules en prise avec la philosophie contemporaine, l'actualité, des cultures surprenantes (…) pourraient devenir "maximes" à peindre ou graver sur un cadran solaire.

« Chacun porte son ombre »
« Tout style, à un moment donné, perturbe la vérité » (Paul Valéry)
« L'observation avec les nombres est une musique appelée science »
« Certains nient la misère en montrant du doigt le soleil / on nie le soleil en montrant la misère » (citant Kafka)
« Les mots n'évoquent jamais que d'autres mots » (Pierre Revol)
« Il faut augmenter la dose ou changer le poison » (d'après Gainsbourg)
« Si les arbres ont des racines, les hommes ont des jambes » (Georges Steiner)
« Ecris sur la nature du temps, distincte de sa géométrie » Léonard de Vinci (Carnets, Gallimard)
« Quelquefois l'astronome voit dans les régions qu'il s'étonne d'atteindre »
« L'Univers a une histoire et tous ses globes inconstants cèdent comme le notre à l'emprise du temps » (idem)
« La question de la naissance du temps et celle des origines resteront toujours posées » (Ilya Prigogine, la fin des certitudes -1998)
« La Science est un Dimanche planétaire »
« L'Univers était un Tout vu du centre, il est un Temps étiré par sa flèche »
« Aujourd'hui ce qui est parfait retarde » (P. Valéry)
« J'en reviens toujours à l'escargot, dit le ver luisant »
« Temps de rien avec les nombres allumés /Voir longtemps les fruits dans le panier » (Mario Merz)
« Les nombres sont animaux reproductifs » (MM)
« Le temps est un pivot plongé dans la terre » (MM)
« La science est une musique des nombres dans le temps »
« L'arbre occupe surtout du temps, 2 arbres occupent le même temps et plus d’espace ». (MM)
« Le temps passe mais il ne fuit pas encore » (Guy Debord)
« Le temps n'a pas de science, autant l'appat des sens » (Jacques Demarcq, 2000)
« Je crois que dans le monde on a trop travaillé » (Bertrand Russel - 1932)
« Les heures qui renferment la forme se sont écoulées dans la maison du rêve » (Walter Benjamin, Sens unique,1928)
« La spirale est une vue de l'esprit que l'on retrouve dans la nature (et vice versa) »
« L'homme descend du clown » (Jacques Demarcq)
« Terram habitare et dei aeternitatem dicere » (Patrick Vorilhon)
« On en a trop avant d'en avoir assez » souvenir de Sade dans Philosophie dans le boudoir
« Seule une personne médiocre peut atteindre le summum de ses capacités » (Marie-France Ribette 06/05/2007)
« Sometimes I miss lightness » (maxime peinte sur le cadran à Bodhgaya en Inde - 2006)
« Le temps ne pardonne pas à celui qui ne le prend pas » (envoyée par Nicole Morin - 2008)
« Labora Dom Lucet », chateau de Pibrac, 31820.
« Aimons ceux que nous aimons vraiment » (Frédéric Berthelot, janvier 2015). L'adverbe "vraiment" peut se promener dans la phrase selon le contexte...
« Considérons que tuer le temps est parfois un cas de légitime défense » (Albert Brie) (envoyé par Evelyne L. - 2008)
« Parfois la lumière la plus vive se cache dans les endroits les plus lugubres » (Mathieu Renaud, 2012)

 
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