L’héliodon est conçu pour visualiser des ombres portées par un soleil artificiel : cette géométrie de projections est celle que nous vivons au quotidien sous le soleil, ici ou en voyage. Pour tel objet façonné ou exhumé et fixé sur l’héliodon, le jeu d’ombres produit une métamorphose animée préparant le dessin. Tordues, ces silhouettes ramènent quelques souvenirs, déclenchent des associations incongrues et le dessin s’installe dans des sphères concentriques : projections à l’intérieur d’une image qui se développent sous une soleil étranger, amorce de récit.
L’héliodon doit probablement son nom à Aristarque de Samos, théoricien intuitif de l’héliocentrisme. D’autres auteurs pensent que l’héliodon fut conçu par Aristophane, penché sur son scaphe, rédigeant un poème comique face à l’absurdité de la guerre du Péloponnèse: “imaginons la Terre suspendue dans un état précédant les premières variations, elle est peuplée d’êtres à deux têtes et d’autres encore qui ont une tête et un sexe, sans compter les ombres. Lorsqu’ils commencèrent à s’ennuyer, ce fut le début du temps“. Il aurait conçu l’héliodon pour cette époque recluse dans des cités imaginaires, utilisé par quelques citoyens inaptes au combat. Mais peut-être l’invention de l’héliodon remonte-t-elle simplement à Viollet-le-Duc ou à Umberto Eco plagiant Saint Augustin.
Pourtant, depuis Aristophane, un porte-à-faux lie certaines légendes à l’observation exacte des ombres pour reconstituer des nœuds du temps avec les fils du langage (ou vice versa). Un dessin commencé sur l’héliodon tend l’un de ces nœuds et donne une mesure au récit flottant, qu’il pourrait permettre de le finir.
Un jour de 1989, en visite au Metropolitan Museum à New York, j'étais étonné de voir des lycéens aussi familiers avec les pharaons... et je fis la photo. Plusieurs mois après, regardant la photo, je fus sidéré une seconde fois en observant l'ombre portée du pharaon sur le mur. Si j'en crois Freud, dans une période égyptienne qui vit les origines du monothéisme avec le culte du dieu Soleil, le fait que les ombres soient simplement phalliques est plutôt normal...
Il n'empêche que depuis je regarde différemment les pharaons, le petit arondi de leurs épaules, la tranquille tombée des bras.