Cette case du damier de l'art, avec son horizon flottant, c'était la galerie Jean-François Dumont, sous sa forme du début du XXIe siècle : Decimus Magnus Art, Bordeaux. Dans d'autres siècles il y eut d'autres espaces, tous chargés comme particules, potentielles zones d'accélération (PZA) abritant entre deux dates : des pentagones sonores, des cloches à gaz rares appelées peintures à l'huile, des peintures à l'eau, des aquariums à phryganes, des dessins sur papier photo, des photos de chevreuils morts, des dessins à coup de pistolet, des images animées, des dessins fatigués à la main, et même des héliodons...

Une galerie se définit par sa pompe. Grosse ou petite pompe économique pour amorcer le haut fourneau (plus ou moins haut) qui opérera la fusion de l'intention, de la monnaie et des facteurs instables qui font l'oeuvre dans un cadre temporel plus ou moins ouvert. L'art adore les crises. En bordure, une compétition ordinaire entre la critique et l'économie s'instaure grâce aux regardeurs (regardeuses) perspicaces qui se glissent devant les oeuvres au stade de l'exposition. L'avis des un(e)s croise le désir des autres. On ne sait jamais vraiment si c'est le désir ou l'avis qui fortifie la proposition artistique.

Sous cet horizon flottant, j'ai ressenti au fil des expériences à partir de 1991, le petit souffle d'une synthèse : interroger l'oeuvre pas trop loin de son état d'objet à vendre, pour éventuellement nourrir sa biographie sociale à travers ce mode d'existence. Proche du jeu, mais plus tout à fait.

Monter une exposition dans un lieu qui se reconstruit chaque fois autour de l'oeuvre, lorsque ce lieu s'appelle galerie, promet d'inventer simultanément l'oeuvre et le collectionneur. Évidemment l'invention du collectionneur (IC) était et reste hasardeuse. Il semblerait qu'elle dépende parfois de la qualité de l'oeuvre. Mais pas uniquement.

Des collectionneurs se sont laissés inventer dans le nuage JFD qui flottait sur le grand Ouest ou ailleurs, pendant 20 ans : frappés par telle oeuvre ou des propos passionnés du galeriste, les uns et l'autre cheminant dans l'hypothèse d'acquisition pour comprendre la torsion d'un geste ou d'une forme.

De leur coté, plusieurs artistes dont je fais partie ont été sérieusement conforté(e)s dans cette galerie. Magie du lieu qui replace les égos dans de judicieuses perspectives "dépravées" dirait Jurgis. Je m'y suis vu artiste avec une évidence qui m'a parfois surpris, dans une vie qui a le charme du probable.

Depuis j'essaie de maintenir mon regard sur l'horizon flottant, observant les contours de la case et du nuage, mais sans la fonction "galerie".